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La découverte du rigide...


Photo prise par: Philippe Drogrey

par un pilote qui débute… depuis plus de 25 ans !

La découverte du delta

Des souvenirs de pente école en 1981 à Val Louron, puis l’année suivante, le brevet sous Atlas, et quelques années de pratique à suivre, toujours dans ce joli coin des Pyrénées.
Et puis des années et des années d’arrêt, la rénovation d’une ferme, le travail le nez dans le guidon, les enfants... jusqu’au 4 ème (oui, tant que je gagne, je joue …)

Mais toujours ces images qui défilent dans la tête, le vol couché ventre le nez dans le gaz, à contempler cette vallée magnifique, enrouler comme un fondu avec les milans dans les pompes de débutant, comme si c’était hier. Et beaucoup de mal à exprimer tout ça à mon épouse pour lui faire comprendre qu’il fallait absolument que je remette ça ...

La redécouverte

Mais c’est décidé, en 2004, je remets ça, en Auvergne, avec une semaine de pente-école. Malheureusement, même pas un grand vol, à cause d’une météo de fin de semaine un peu capricieuse. C’est là que je découvre, stupéfait, que l’Atlas avait 20 ans d’avance lors de mes premiers grands vols puisque c’est toujours lui qui m’accompagne en école…

Autre surprise de taille, tous les pratiquants ont vieilli ensemble. J’avais quitté des groupes de jeunes de mon âge, coiffés comme des dessous de bras. Je retrouve des vieux de mon âge avec des cheveux blancs, du moins pour ceux qui en ont encore !

La progression

L’année suivante, tout s’accélère. L’achat du Mambo, la rencontre avec Patrick, le rigide chauve Nantais, Oh mon Maître (sur le ton de Dark Vador) ,qui me guide pour la prise en main à Kervigen en Bretagne dans une brise laminaire par un plouf de 30 secondes, après 3 heures de route, et autant pour rentrer… (Ca non plus, ce n’est pas facile à faire comprendre à ma femme)

Mais également un séjour d’une semaine en avril à deux vols par jour sur le lieu de mes débuts, puis 3 semaines de vols de ouf l’été suivant dans des pompes sympathiques du coté du Cap de Pâle, des vols magnifiques avec les aigles, de sacrées belles bêtes à plus de deux mètres d’envergure planant à portée de la main , des plafonds en veux tu en voilà, une équipe de mordus fous furieux inoubliables avec Achille pour chef de meute, une sacrée pointure ;-)).

Bref, la rechute totale.

La progression continue avec le remorqué, encore une expérience incroyable . Surtout quand c’est un pro qui pilote l’ULM, comme Jean Pierre à ARON, avec une expérience en béton qui lui permet d’anticiper en permanence les réactions du volatile maladroit qu’il a aux fesses, au bout d’une corde de 30 mètres.

Et du bonheur, encore du bonheur …

La préparation

En reprenant après une si longue interruption, mon objectif était le rigide. C’est lui qui me donnerait l’accès à des performances correctes en plaine, suffisantes pour se faire vraiment plaisir sans avoir pour autant les centaines d’heures d’expérience de vol indispensables pour gouter au vol de distance avec son souple. (Sauf à être sensiblement plus doué que moi). Sans parler de la fraicheur du bipède après 3 heures de vol sous ce type de machine qui permet de conserver la capacité de jugement et la sérénité pour l’atterrissage !

C’est donc assez naturellement qu’à l’issue de la seconde saison, je souhaitais avoir la possibilité de réaliser la prise en main de ma dernière acquisition, une bête magnifique de 13,40 m d’envergure, la Mouette version rigide !

Depuis des mois, l’engin était dans mon garage, à Nantes. A six reprises, j’ai répété les gestes du montage /démontage et la prise en main, au sol, face au vent. Découvrir cette phase me permettrait certainement d’être plus serein pour le premier vol.

La révélation

Et en cet été 2006, la fin du séjour à Laragne approchait.

Trois semaines à la Mecque du delta, du souple, du cross, des conditions parfois un peu fortes, dont 8 jours de stage gorgés de conseils avec Bernard, ça permet de progresser. Et le point d’orgue sur la fin de cette période fut le passage au rigide ;-))

J’avais eu tellement de témoignages sur les difficultés réelles ou supposées de l’accroche du Mambo derrière un ULM que j’avais été bluffé par la facilité de l’expérience quand elle s’était enfin concrétisée. Même si il y avait un faisceau de préalables de taille, avec des personnes d’expérience, absolument indispensables pour la phase action, avec du matériel adapté et réglé, et avec le respect de procédures éprouvées.

Et bien de la même façon j’ai constaté à chaque fois de l’étonnement, de la surprise, et des réserves quand j’annonçais envisager de passer au rigide après le Mambo. II a même fallu les encouragements et les conseils de plusieurs poids lourds du domaine, Bertrand, Patrick, Bernard et les autres pour me décider à franchir le pas. Et ils avaient raison, c'était véritablement accessible .

Tout seul, c’est sûr, j’aurais commencé (avec beaucoup d’appréhension) à Aspres, les grands espaces, ça sécurise !
Mais là, ce mardi matin, avec des conditions idéales, calme, vent laminaire à l’orientation parfaite, 20 Km/h maxi, et l’un des tous premiers moniteurs de France, c’était le grand jour.

Aucune surprise au montage, les gestes sont gravés dans ma mémoire. Dans le bon ordre tout est si simple avec ce magnifique oiseau. La pré-vol est déjà un moment de bonheur, je caresse la bête qui a déjà les naseaux fumants.
Je me remémore les précieux conseils, des gestes doux au décollage, la barre de contrôle moins basse que sur le souple, et également plus an avant, la différence d’incidence, le maintien de l’angle en fixant l’horizon, un démarrage progressif lors des premiers pas, etc.


Photo prise par: Virgile Marques

Et vient mon tour au décollage. Je lève le Top Secret selon la méthode préconisée par Xavier pour économiser mon dos, je relève le trapèze en appuyant l’aile sur la quille. Efficace. Puis je m’approche de l’endroit du décollage. L’appareil trouve sa position face au vent et s’équilibre tout seul. C’‘est de bonne augure, jusque là, c’est trop facile.

J’ai le palpitant qui pilpate. Puis la formule magique résonne comme un sésame : « quand tu veux ! »

Je prends ma respiration, vérifie l’inclinaison, donne un coup de droite et de gauche avec le trapèze pour vérifier les spoilers.
Un pas, deux pas, le troisième je le fais dans le vide. C’est impossible que ce soit aussi simple, peut être n’ai-je pas appliqué les consignes, peut être suis-je trop lent ? Peut être …

Par précaution je tire sur la barre, prends de la vitesse et m’éloigne de la pente ! J’ai réussi!

L’appareil glisse littéralement sur l’air, c’est absolument stupéfiant. Je ralentis un peu et m’allonge dans le harnais. Pas de secousse, le rigide vole sans nécessiter de pilotage permanent - un peu comme si je n’étais pas là - et semble être posé sur des rails.

Un coup d’œil à droite et à gauche, les plumes n’en finissent pas, elles semblent toucher l’horizon. Quel spectacle !

Vient alors le moment du premier virage.
Impressionnant. Je reprends un peu de vitesse par précaution et déplace le trapèze du bout des doigts, sans aucun effort. L’appareil s’exécute et entame un virage régulier sur la gauche sans inertie et avec une excellente réactivité. Je vérifie ce qui m’était annoncé. Alors qu’en souple, le déplacement du poids du pilote est la cause du virage, en rigide, cela en est la conséquence.

Les puristes prétendent qu’on perd ainsi en sensation, mais je comprends immédiatement qu’avec une fatigue quasi nulle, cette différence me permettra lors des longs vols de garder fraîcheur et lucidité pour profiter de l’instant, optimiser les choix, et préparer l’atterrissage.

Par précaution, je conserve une vitesse mini de 45 à 50 km/h (oui, je sais, y’a d’la marge, mais cela a au moins permis à plusieurs de se dérider les zygomatiques). Je réalise des 8 en restant attentif à être suffisamment éloigné de la pente.

Je repense alors aux mots d’un anti rigide patenté quelques jours auparavant : « si tu es une bouse en souple tu resteras une bouse en rigide ». Fermez le banc. Oui, c’est vrai, mais une bouse heureuse qui a la banane pendant tout le vol tellement elle est en osmose avec son appareil. Et c’est bien là ce qui est primordial. Se sentir en harmonie avec l’engin et faire corps avec lui. Voler en confiance et croquer le plaisir à pleines dents.

Bon, reste quand même à tester la prise de terrain et l’atterrissage …
A ce stade, je suis quand même rassuré par la précision des réactions de l’appareil. Il obéit à la seconde avec une franchise impressionnante. Reste à lui donner les bonnes directives pour réussir un retour sur terre … acceptable. Et tenter de ne pas m’aplatir comme une bouse, justement.

Mais piloté par radio pour la prise de terrain je n’ai pas à me préoccuper de l’approche. Je commence par prendre fermement la barre de contrôle pour tirer les volets, c’est une précaution qui s’impose pour conserver sa vitesse (là aussi, les conseils préalables sont très importants). Je règle mon allure, et après une dernière manœuvre, j’entame ma PTU.

La fin du dernier virage est impressionnante tellement les ailes sont effilées, l’une en direction d’un gros cum, l’autre vers la manche à air. Bien redressé, je longe le sol pendant une éternité. Puis un poussé final… un peu tardif. Pas grave, merci les roulettes.

J’ai une banane incroyable, je viens de vivre mon rêve. On ferait plus de choses si on en croyait moins d’impossibles disait Condorcet …

La confirmation

Des images plein la tête, un débriefing perso dans le courant de la nuit, et me voilà sur la pente de décollage le lendemain matin. Les conditions météo sont comparables à la veille, avec un poil plus de vent.

Réglage de l’assiette, concentration, c’est parti. Pas le temps de faire le 3 ème pas cette fois ci non plus…, l’engin est déjà sur des rails, droit devant. Mon changement de main dans les règles (pour une fois), les volets remis en ligne, et j’entends « parfait » dans mon talkie. Là, j’avoue que j’ai dû bomber un peu le torse.

Vraiment, le plané de cet appareil est bluffant, tant il donne l’impression de littéralement s’appuyer sur l’air.

Plus détendu (le pilote, pas le rigide) qu’au premier vol, je savoure. Je réduis -un peu - la vitesse en prenant soin de conserver toutefois encore une bonne marge de sécurité.

Malgré des conditions météo peu favorables ce jour là - je vois mes collègues peiner à maintenir leur altitude en vol de pente -, je prends de la hauteur sans difficulté, avec un pilotage du bout des doigts. J’indique au moniteur que j’ai l’impression de ne rien avoir à faire, que l’appareil est décidément d’une précision rassurante. Il me répond que le gars à qui je l’ai acheté sait ce qu’il fait, une pointure dans la profession ! Et de lancer haut et fort « Put .., qu’elle est belle en vol cette aile ! »

Bon. Ce jour là, pas évident pour un (éternel) débutant de quitter le vol de pente.
Après une bonne ballade avec nombre d’allers et retours, je décide d’aller me frotter à la prise de terrain.

Seconde expérience, qui s’avérera comparable à la première. Sauf que je n’ai qu’un volet tiré, le second s’étant décroché de l’élastique … Phase finale, je regarde loin devant, la main droite sur le montant, la main gauche, qui cherche le montant, se bloque sur le câble. Le trapèze est effectivement plus avancé que sur le souple. Finalement, après un long plané le long du sol, le poussé final se révèle un peu mou et un atterrissage (encore) sur le ventre. Mais toujours la banane.

Pour moi, la prise en main de l’appareil est une réussite.

Mais je garde en tête les mises en garde appuyées de Xavier, les réactions réservées de certains interlocuteurs qui apprenaient que je passais du Mambo au Top Secret, et je réalise à quel point la simplicité que j’apprécie ne doit en aucun cas occulter la prudence qui s’impose avec cette bête de course, et particulièrement sur le respect d’une marge de sécurité sur les plages de vol.

Il était pour moi évidemment qu’il ne fallait pas franchir le pas sans un encadrement de qualité. L’expérience et la pédagogie de Bernard, sa maîtrise de cette discipline et de la psychologie de l’élève forcent le respect. Chapeau bas.

Le vol, c’est bien entendu du mental également. Voler serein sous une machine avec laquelle on est en phase, avec laquelle on ne fatigue pas du tout, ca évite de prendre feu, ça donne le recul nécessaire à la prise des bonnes décisions, et ça permet de progresser.

Et un engin comme celui-ci, ça agrandit sacrément l’aire de jeu !

Bref, du bonheur à pleines dents.

Yvan Huteau

« L’aigle qui referme ses ailes redevient un poulet » (proverbe… régional)

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